Delorean

HISTORIQUE

DESIGN
C’est en octobre 1974 que Bill Collins remit sa démission à G.M. pour rejoindre John De Lorean. Ils avaient travaillé ensemble chez Pontiac, où Collins fut un des hommes à l’origine de la première GTO et du projet Trans-Am. Collins était persuadé que le développement de la Delorean DMC-12 deviendrait la chose la plus importante de sa carrière. Il est vrai que le cahier des charges ambitieux de la DeLorean était alléchant : une voiture de sport pour gentleman, d’une ligne percutante, avec le moteur à l’arrière, la carrosserie en acier inoxydable, des portes-papillon et de bonnes performances. La voiture devait aussi être un exemple dans le domaine de la sécurité active et passive, elle devait pouvoir accueillir les passagers de grande taille et garder une ligne indémodable au fil du temps.

En janvier 1974, John Zachary DeLorean crée à Détroit sa société de consultant en ingénierie, John Z. De Lorean Corporation. De Lorean commence à parler de la construction de sa propre voiture de sport, qui doit être techniquement très avancée, d’une haute sécurité et d’un prix de vente élevé : la voiture que General Motors lui avait interdit de concrétiser en 1962… Une société annexe rachète les droits pour un matériau composite destiné au châssis moulé de la future Delorean et Bill Collins est engagé comme concepteur et chef de projet. Finalement, faute de pouvoir trouver des investisseurs dans sa patrie et après différentes approches de pays étrangers, DeLorean va s’expatrier en Irlande où le gouvernement lui déroule le tapis rouge pour sauver l’emploi de la région du Nord. Grâce aux fonds obtenus, plus d’une centaine de millions de dollars de subvention de l’Etat (!), DeLorean met finalement en chantier son projet. En 1975, la DeLorean Motors Company s’installe en Irlande, à Dunmurry dans la banlieue de Belfast. Le projet de coupé sportif abordable et innovant ambitionne des volumes de ventes considérables, principalement aux Etats-Unis. Fruit d’une collaboration internationale assez complexe, le projet se montre rapidement trop ambitieux et plus compliqué que prévu à mener à bien. Malgré un marketing soutenu et une consécration cinématographique dans le rôle de « machine à remonter le temps » de la trilogie des films « Retour vers le futur », la DeLorean DMC 12 va faire tourner le rêve américain en véritable cauchemar !

Les dimensions fondamentales de la Delorean étant définies, Bill Collins se rendit chez Pioneer Engineering pour faire réaliser une première maquette du cockpit. Mais pour le design final de son coupé, DeLorean fait finalement appel en 1975 à Giorgetto Giugiaro, chez Ital Design, qui compose plusieurs croquis et une maquette fidèle à ses inspirations du moment, notamment à moteur central arrière (Lamborghini CountachLotus EspritBmw M1…) avec un style aérodynamique très acéré.

En 1976, le premier prototype basé sur un moteur 4 cylindres Citroën donne une idée générale assez précise de ce que sera la voiture de série. Deux particularités esthétiques la caractérisent rapidement ; tout d’abord ses portes papillons qui donnent un style bien à part à la voiture, ensuite sa carrosserie non peinte, en inox brossé brut. L’alliage utilisé pour la carrosserie est en effet de l’acier inoxydable, inox 304 austénitique, qui a la particularité d’être non-magnétique. Cette catégorie d’acier inoxydable est très peu répandue dans l’industrie automobile car il coûte environ cinq fois plus cher que l’acier classique. En contrepartie, DeLorean réalisait des économies sur la peinture et pouvait offrir une garantie anticorrosion, chose très rare à l’époque. Un an plus tard, un deuxième prototype voit le jour, avec le moteur V6 et un volant doté d’un… airbag ! Qui le croirait, presque 30 ans plus tard ? La voiture est présentée au public en 1980 et le 21 Janvier 1981, après moultes retards, les premières DeLorean sortent de l’usine. Pourtant, la voiture en elle-même a tout de la proposition alléchante… du moins, sur le papier.

HABITACLE
L’habitacle de la DeLorean offre à moindre coût une ambiance digne des supercars de la décennie 70. L’intérieur, entièrement couvert de cuir noir (un intérieur gris sera introduit un peu plus tard) ne manque pas d’élégance et la position de conduite très basse et facilement ajustable et très agréable. Par ailleurs, l’équipement de série est très complet pour une voiture qui se négocie moins de 20 000 dollars : cuir, vitres et rétros électriques, lecteur radio am/fm, air conditionné, verrouillage centralisé à télécommande, etc..

MOTEUR
Malgré ce qu’on pourrait penser, la DeLorean n’est pas animée par un gros V8 Yankee… Le premier prototype était basé sur un moteur 4 cylindres Citroën, rapidement jugé trop faiblard. En 1977 un deuxième prototype voit le jour avec un moteur V6 Franco-Suédois qui sera finalement retenu pour la production. L’une des grandes erreurs de DeLorean dans la réalisation de la DMC-12 est sans doute d’avoir opté pour ce V6 conçu par le trio Peugeot-Renault-Volvo. Le fameux (…) « PRV » dont la modeste puissance et la faible cylindrée semblaient bien dérisoires pour s’attaquer au marché Américain des voitures de sport, au milieu de V8 généreusement « cubés ». Certes, la DeLorean était du genre « poids-plume » face à ses rivales d’alors et son implantation en position centrale arrière avait l’avantage d’une noblesse architecturale issue de la compétition. Mais le marketing ne fait pas tout. Conçu à l’origine comme un V8, le V6 PRV possède un angle d’ouverture de 90° peu usuel pour un 6 cylindres. Avec un alésage de 91 mm pour 73 mm de course, la cylindrée totale s’établit modestement à 2849 cm3. L’alimentation est assurée par une injection Bosch K-Jetronic et le catalyseur est installé d’office pour le marché US. Le rendement n’ayant rien d’exceptionnel, tout comme le taux de compression de 8,8:1, on constate avec stupeur que cette mécanique ne délivre que 130 ch au régime de 5500 tr/mn pour un maigre couple de 22 Mkg, toutefois disponible à 2750 tr/mn. En clair, ce moteur n’a rien de sportif… La transmission est à 5 vitesses manuelles, ou 3 vitesses automatiques. 50 % des DeLorean devaient être en boîte automatique, mais la boîte manuelle était plus appréciée et elle fut montée approximativement dans 70 % des DeLorean produites.

Avec une masse totale de 1233 kg, les performances de la DeLorean n’ont pas de quoi vous faire remonter le temps : la vitesse maximale est de 210 km/h et la voiture accélère de 0 à 100 Km en 10″ environ. Le réservoir de 51 L autorise une autonomie assez limitée et, cela, même sans employer le convecteur spatio-temporel… A prix égal, les performances de la Delorean sont d’ailleurs en net retrait par rapport à ses concurrentes directes Nissan 280 ZXPorsche 944Chevrolet Corvette C4, etc.. et la clientèle ne va pas s’y tromper. Notez que certaines versions de la Delorean furent dotées marginalement d’un, ou même deux turbos, par des propriétaires jugeant, comme beaucoup, qu’une telle voiture méritait mieux que 130 chevaux… Mais le mal était déjà fait, les ventes sombraient désespérément vers les abîmes.

CHASSIS
En 1978, le groupe Lotus fut contacté pour produire les premiers prototypes de la DeLorean, en leur donnant des qualités de l’Esprit. C’est d’ailleurs le petit constructeur Anglais, sous la tutelle de Colin Chapman, qui fera le châssis de la DeLorean et aura également bien du mal à tenir ses engagements en terme de délais de réalisation… Confiée aux bons soins de Lotus, le châssis en acier recouvert d’epoxy accueille le V6 en position transversale centrale arrière. La suspension à quatre roues indépendantes utilise des triangles superposés avec jambe de force à l’arrière et des combinés ressorts-amortisseurs hydrauliques. La direction assez courte (2,65 tours de butée à butée) autorise un rayon de braquage de 10,7 m. Le freinage est assisté à quatre disques, de 254 mm à l’avant, et 267 mm à l’arrière. Equipée de larges pneumatiques Goodyear NCT, la DeLorean passe sans problème sa faible puissance au sol par l’intermédiaire de roues de 14″ et 15″, respectivement devant et derrière. Malheureusement, Lotus traîne à finaliser le châssis et à obtenir l’homologation indispensable à la commercialisation de la DeLorean. Pendant ce temps, les créanciers s’impatientent et les dettes s’accumulent. Heureusement, les clients ne seront pas déçus du résultat, concernant l’agrément de conduite. La Sport Car la DMC-12 est une auto plus agile et sécurisante que ses rivales américaines au châssis en guimauve. A l’inverse des habitudes du nouveau continent, le potentiel dynamique du châssis de la DeLorean souligne encore plus la sous-motorisation évidente d’une voiture ayant des ambitions de supercar.

ACHETER UNE DELOREAN DMC-12
La production de la DeLorean tournera au ralenti et la DeLorean Motors Company connaîtra rapidement les premiers problèmes financiers avant de fermer définitivement en 1983. Au total, seulement 8583 exemplaires de la DeLorean DMC 12 auront été fabriquées en 3 ans. Les deux particularités qui faisaient la fierté des dirigeants ont en effet rapidement marqué le début des ennuis pour les ingénieurs et les commerciaux. En effet, si la carrosserie en inox est aussi brillante que remarquable à l’intérieur des show-room, il va en aller autrement dès que les premiers clients vont être livrés. Avec les agressions des éléments (pluie et soleil), la carrosserie se tâche et se ternit. Les problèmes liés aux traces de doigts sur la carrosserie agacent certains clients car les empreintes sont relativement dures à retirer si on ne dispose pas de produit spécial. Ces problèmes ont donc amené des concessionnaires à peindre des voitures… avec des résultats mitigés, car il est très difficile d’obtenir une bonne adhérence sur l’inox. En outre, trois personnes au monde peuvent se vanter de posséder une DeLorean plaquée Or 24 carats ! Si ! Fabriquées à l’aube de la faillite de John Zachary De Lorean, ces voitures avaient été réalisées à la demande d’American Express. Une série limitée de 100 exemplaires était même envisagée, à 85.000 USD le supplément « peinture or » ! De plus, pour ne rien arranger, les portes papillons avouèrent rapidement leurs faiblesses : mécanisme défaillant, hermétisme et infiltrations mal maîtrisés. Informés de ces défauts qui s’ajoutaient aux performances modestes, les clients américains ne se précipitèrent donc pas sur la DeLorean, malgré une deuxième usine ouverte en Californie pour corriger les défauts des voitures arrivant d’Irlande !

Accusé en 1982 d’avoir truqué les comptes de la société, DeLorean amorce une chute dont il ne se remettra pas lorsqu’en 1983, le gouvernement Américain l’inculpe pour trafic de drogue. Deux ans à peine après le lancement de la voiture, c’est la banqueroute pour la DeLorean Motors Company qui met la clé sous la porte. Popularisée et immortalisée sur grand écran par Robert Zemeckis, la DeLorean est pourtant, aujourd’hui encore, une icône pour toute une génération et s’arrache à bon prix aux Etats-Unis et dans les rares autres pays où on peut en trouver quelques-unes. Il est d’autant plus regrettable que cette voiture n’ait pas rencontré le succès que ses qualités demeurent réelles et intéressantes. Son moteur, il est vrai peu poussé, est robuste et fiable, sa carrosserie ne craint pas la rouille (ce qui est plutôt rare et appréciable pour une ancienne), son confort de roulage est tout à fait honnête et son châssis procure encore un plaisir certain à son conducteur.

Contrepartie d’un équipement de confort abondant, les fonctions électriques sont aussi nombreuses que peu fiables, la carrosserie est très salissante et les pièces doivent quasiment être refaites sur mesure, faute de pérennité de l’entreprise. Toutefois, il est à noter qu’un Américain a ressuscité l’entreprise DMC aux Etats-Unis et y assure la remise en état de ce modèle mythique, très apprécié des jeunes collectionneurs. Dans nos contrées, la bête est rare, mais pas introuvable. Comptez alors 15 à 20.000 euros pour vous offrir cette attachante machine à remonter le temps, ce qui n’est vraiment pas cher payé pour retourner en enfance !

A LIRE :
Retour vers la De Lorean : 1981-2015 Richement illustré de documents d’époque et de nombreuses coupures de presse, cet ouvrage dévoile comment le prodige John Zachary DeLorean, ingénieur qui devint vice président de la prestigieuse firme General Motors, donna son nom à une voiture dont la commercialisation fut un échec retentissant malgré sa devise «live the dream», mais qui est devenue une des icônes les plus célèbres du monde automobile et, bien entendu, du cinéma.

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